Je réalise que pendant les ateliers donnés dans le cadre du cycle « Les Fondamentaux du Travail du Bois à la Main » , certains détails semblent contre-intuitifs aux personnes qui y assistent. D’ailleurs ces détails, il faut l’avouer, me semblaient contre-intuitifs à moi également lorsque j’y ai été confronté pour la première fois. C’est la raison pour laquelle je vois un intérêt tout particulier à battre les évidences en brèche au cours de ces ateliers mais aussi, et là réside pour moi l’essentiel de ce que ces ateliers apportent, de bien mettre en lumière les raisons pour lesquelles ces croyances sont erronées. Le choix de la taille du ciseau à bois qui vient creuser la mortaise est de ceux-là!
Dans le cadre de la taille d’un assemblage à tenon-mortaise par exemple, le choix de la largeur du ciseau (ou du bédane) à mettre en œuvre pour tailler la mortaise est de ceux-là. On aurait tous intuitivement tendance à ajuster la largeur de la mortaise à la taille de l’outil de coupe que l’on va mettre en œuvre. Après tout, à qui viendrait-il à l’idée de percer un trou de 8mm avec une mèche de 6???
Or choisir une largeur de mortaise ajustée à la largeur du ciseau qui va la creuser est en réalité le meilleur moyen d’obtenir un tenon-mortaise bien trop lâche… Vous voyez ce que ça fait une cheville après trois semaines de plâtre?
Justement, choisir un outil précisément ajusté à la largeur de la mortaise, c’est avoir l’assurance de venir mordre dans ses flancs et donc mécaniquement d’élargir la cote du trou. En effet, on n’est en premier lieu jamais totalement à la côte dans le positionnement de l’outil dans la direction transversale à l’axe de la mortaise. On dépasse inexorablement d’un côté ou l’autre du flanc. D’un poil de cù£ de mouche, je vous l’accorde, mais on dépasse tout de même et c’est ce poil qui fait toute la différence entre un assemblage convenablement ajusté et un assemblage trop lâche… On n’est jamais non plus complètement d’aplomb quand l’outil descend dans le bois, taillant à nouveau dans le flanc de la mortaise. Et puis une fois l’outil descendu dans le bois, c’est peut être trivial mais il va falloir le ressortir. D’ailleurs je peux vous assurer que ce n’est pas une mince affaire lorsque le tranchant se trouve déjà enfoncé de quelques centimètres dans la pièce. Seuls des mouvements latéraux de l’outil permettront dans ce cas d’extraire l’acier du bois. Ces mouvements qui à nouveau vont venir écraser voire tailler les fibres des flancs de la mortaise, entrainant mécaniquement son élargissement.
Résultat des courses? Avec un outil correspondant très précisément à sa largeur, mes mortaises s’élargissent systématiquement d’un millimètre ou deux de chaque côté, mettant en péril l’ajustement de l’assemblage et donc l’affleurement des deux pièces une fois l’assemblage accosté.
Est-ce une fatalité? Bien évidemment que non et vous aurez compris qu’en choisissant un ciseau de largeur légèrement inférieure, on parvient à préserver l’intégrité de ses flancs. Et quand je dis légèrement, 2mm de sous-cote suffisent et il m’arrive de tailler des mortaises avec des ciseaux sous-côtés de 4 millimètres. Cependant, ici comme dans d’autres domaines du travail du bois à la main, le fait que la largeur du tranchant du ciseau se rapproche de la largeur de la mortaise va avoir deux conséquences majeures. Premièrement, il sera nécessaire d’être plus précis dans le positionnement du tranchant du ciseau au moment du creusage: le risque de dépasser le trait sera d’autant plus grand que la largeur du ciseau se rapprochera de la largeur de la mortaise. Et deuxièmement, le flanc de la mortaise se rapprochant de la cote finale, le travail de nettoyage sera beaucoup plus aisé.
Alors oui, évidemment, il vous sera nécessaire de retoucher les flancs pour les mettre à la cote (non sans avoir, soit dit en passant, tranché les fibres dans les coins de part et d’autre des abouts pour en faciliter le détachement) mais votre mortaise n’en sera que plus propre et géométriquement proche du tracé.
Cela représente-t-il davantage de travail lorsque l’on creuse une mortaise? En réalité, rien n’est moins sûr… En revanche, s’il est une certitude, c’est qu’un assemblage convenablement ajusté est à ce prix-là!
Bonjour,
La manière la plus simple pour attaquer un assemblage à tenon-mortaise est effectivement de creuser la mortaise et d’ajuster le tenon en fonction. Cependant, le tenon ne peut pas présenter n’importe quelle largeur et la règle de l’art propose un tenon avec une réparation au tiers: 1/3 d’épaulement, 1/3 de tenon, 1/3 d’épaulement. La raison est le fait d’optimiser la tenue mécanique de l’assemblage.
C’est en réalité ce qui est dimensionnant pour la largeur de la mortaise et on adapte la largeur du ciseau en fonction.
Ainsi, 1 à 2mm est-ce gênant? Non à partir du moment où il y a suffisamment de section de matière au niveau du tenon pour encaisser les sollicitation mécaniques et à partir du moment où la réalisation de l’assemblage est propre.
J’espère avoir répondu à la question.
Très bon WE.
Sébastien
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Un ciseau à la largeur de la mortaise?
Je réalise que pendant les ateliers donnés dans le cadre du cycle « Les Fondamentaux du Travail du Bois à la Main » , certains détails semblent contre-intuitifs aux personnes qui y assistent. D’ailleurs ces détails, il faut l’avouer, me semblaient contre-intuitifs à moi également lorsque j’y ai été confronté pour la première fois. C’est la raison pour laquelle je vois un intérêt tout particulier à battre les évidences en brèche au cours de ces ateliers mais aussi, et là réside pour moi l’essentiel de ce que ces ateliers apportent, de bien mettre en lumière les raisons pour lesquelles ces croyances sont erronées. Le choix de la taille du ciseau à bois qui vient creuser la mortaise est de ceux-là!
Dans le cadre de la taille d’un assemblage à tenon-mortaise par exemple, le choix de la largeur du ciseau (ou du bédane) à mettre en œuvre pour tailler la mortaise est de ceux-là. On aurait tous intuitivement tendance à ajuster la largeur de la mortaise à la taille de l’outil de coupe que l’on va mettre en œuvre. Après tout, à qui viendrait-il à l’idée de percer un trou de 8mm avec une mèche de 6???
Or choisir une largeur de mortaise ajustée à la largeur du ciseau qui va la creuser est en réalité le meilleur moyen d’obtenir un tenon-mortaise bien trop lâche… Vous voyez ce que ça fait une cheville après trois semaines de plâtre?
Justement, choisir un outil précisément ajusté à la largeur de la mortaise, c’est avoir l’assurance de venir mordre dans ses flancs et donc mécaniquement d’élargir la cote du trou. En effet, on n’est en premier lieu jamais totalement à la côte dans le positionnement de l’outil dans la direction transversale à l’axe de la mortaise. On dépasse inexorablement d’un côté ou l’autre du flanc. D’un poil de cù£ de mouche, je vous l’accorde, mais on dépasse tout de même et c’est ce poil qui fait toute la différence entre un assemblage convenablement ajusté et un assemblage trop lâche…
On n’est jamais non plus complètement d’aplomb quand l’outil descend dans le bois, taillant à nouveau dans le flanc de la mortaise. Et puis une fois l’outil descendu dans le bois, c’est peut être trivial mais il va falloir le ressortir. D’ailleurs je peux vous assurer que ce n’est pas une mince affaire lorsque le tranchant se trouve déjà enfoncé de quelques centimètres dans la pièce. Seuls des mouvements latéraux de l’outil permettront dans ce cas d’extraire l’acier du bois. Ces mouvements qui à nouveau vont venir écraser voire tailler les fibres des flancs de la mortaise, entrainant mécaniquement son élargissement.
Résultat des courses? Avec un outil correspondant très précisément à sa largeur, mes mortaises s’élargissent systématiquement d’un millimètre ou deux de chaque côté, mettant en péril l’ajustement de l’assemblage et donc l’affleurement des deux pièces une fois l’assemblage accosté.
Est-ce une fatalité? Bien évidemment que non et vous aurez compris qu’en choisissant un ciseau de largeur légèrement inférieure, on parvient à préserver l’intégrité de ses flancs. Et quand je dis légèrement, 2mm de sous-cote suffisent et il m’arrive de tailler des mortaises avec des ciseaux sous-côtés de 4 millimètres.
Cependant, ici comme dans d’autres domaines du travail du bois à la main, le fait que la largeur du tranchant du ciseau se rapproche de la largeur de la mortaise va avoir deux conséquences majeures. Premièrement, il sera nécessaire d’être plus précis dans le positionnement du tranchant du ciseau au moment du creusage: le risque de dépasser le trait sera d’autant plus grand que la largeur du ciseau se rapprochera de la largeur de la mortaise. Et deuxièmement, le flanc de la mortaise se rapprochant de la cote finale, le travail de nettoyage sera beaucoup plus aisé.
Alors oui, évidemment, il vous sera nécessaire de retoucher les flancs pour les mettre à la cote (non sans avoir, soit dit en passant, tranché les fibres dans les coins de part et d’autre des abouts pour en faciliter le détachement) mais votre mortaise n’en sera que plus propre et géométriquement proche du tracé.
Cela représente-t-il davantage de travail lorsque l’on creuse une mortaise? En réalité, rien n’est moins sûr…
En revanche, s’il est une certitude, c’est qu’un assemblage convenablement ajusté est à ce prix-là!
2 replies to “Un ciseau à la largeur de la mortaise?”
xyloweb
Bonjour,
Et si on choisit d’adapter le tenon à la mortaise (ce qui est la règle en général),
les 1 ou 2 mm de plus est-ce vraiment un problème ?
Sébastien
Bonjour,
La manière la plus simple pour attaquer un assemblage à tenon-mortaise est effectivement de creuser la mortaise et d’ajuster le tenon en fonction. Cependant, le tenon ne peut pas présenter n’importe quelle largeur et la règle de l’art propose un tenon avec une réparation au tiers: 1/3 d’épaulement, 1/3 de tenon, 1/3 d’épaulement. La raison est le fait d’optimiser la tenue mécanique de l’assemblage.
C’est en réalité ce qui est dimensionnant pour la largeur de la mortaise et on adapte la largeur du ciseau en fonction.
Ainsi, 1 à 2mm est-ce gênant? Non à partir du moment où il y a suffisamment de section de matière au niveau du tenon pour encaisser les sollicitation mécaniques et à partir du moment où la réalisation de l’assemblage est propre.
J’espère avoir répondu à la question.
Très bon WE.
Sébastien