Je n’ai jamais ressenti un goût immodéré pour le luxe. Tout au plus je recherche, et cette quête déborde sur de nombreux pans de ma vie, des objets robustes, bien conçus et qui assure la fonction pour laquelle ils ont été conçus.
Le fût d’un rabot, c’est ce que l’on pourrait également appeler son corps. La plateforme à laquelle tous les organes de l’outil sont rattachés: les poignées, le chariot et par extension le groupe de coupe et le presseur. Le fût d’un rabot est révélateur de son architecture (à angle faible, à biseau vers bas) et si la planéité de la semelle (qui n’est autre qu’un des éléments du fût) n’a pas une importance capitale sur un riflard, elle ne doit souffrir d’aucun compromis sur un rabot à replanir.
Toujours est-il que l’on ne peut que constater qu’il existe des rabots dont le fût est constitué de fonte et des rabots dont le fût est fabriqué en bronze. Intriguant, non? Encore plus intriguant est le constat que tous les rabots ne se déclinent pas dans une version pourvue d’un fût en bronze… Seuls quelques rabots seraient voués à être plus luxueux que d’autres? Et pourquoi à ce compte n’y a-t-il pas de rabots gravés avec des incrustations de pierre précieuse, dans le style des breloques mexicaines?
Parmi les arguments avancés sur la toile, on entend que le bronze est utilisé pour rendre le rabot plus lourd. Alors certes le poids d’un rabot en bronze est supérieure de 10 à 12% à celui d’un rabot en fonte mais je ne fais pour ma part aucune différence à la mise en oeuvre. On entend également que le bronze améliore la glisse du rabot au contact du bois en se basant certainement sur le fait que certains paliers à sec sont faits en bronze. Soit. Mais cela justifie-t-il l’achat plus onéreux d’un rabot en bronze? D’autant que personnellement, avec un bon badigeon de paraffine, je trouve que la glisse d’un rabot en fonte est meilleure que celle d’un rabot en bronze.
L’explication pour moi réside ailleurs: les essences utilisées classiquement en ébénisterie sont plus ou moins tanniques. Le tannin est une substance bio-chimique qui participe à la protection de certaines essences d’arbre contre les microbes pathogènes, les champignons et autres insectes xylophages. Et les essences particulièrement chargées en tannin sont le chêne et le châtaigner. C’est bien beau me direz-vous mais en quoi cela nous concerne-t-il? Le souci que pose le tannin devient criant lorsque l’on pose le regard sur du bois qui dans sa vie s’est pris une volée de plomb, a « avalé » un barbelé ou dans lequel un clou a été planté. Une tâche noire se développe autour du métal fiché dans le bois et cette tâche n’est autre que la réaction des tannins qui « remontent » au contact du métal.
D’ailleurs, le drame pour nous autres qui travaillons le bois provient du fait qu’il arrive que les tannins remontent au contact de la semelle du rabot en pleine séance de varlope. Et là également des tâches sombres apparaissent à la surface du bois, un peu comme si quelqu’un avait passé sur le bois avec un papier enduit de crayon graphite gras. Ce n’est pas en essuyant méticuleusement la semelle que les tâches vont disparaître: il s’agit d’une réaction physico-chimique liée à la nature de l’essence de bois d’une part et à la nature de la semelle en fonte du rabot d’autre part. Il suffit donc de changer la matière de la semelle pour que le problème disparaisse et ça tombe bien puisque le bois est insensible de ce point de vue là au contact du bronze.
Alors pourquoi seuls certains rabots présentent-ils des fûts en bronze? Il est intéressant de constater que les rabots qui sont vendus avec des fûts en bronze sont tous des rabots de finition: les rabots à replanir, les wastringues, les rabots à parer, les rabots à retoucher les rainures et les rabots de paume notamment. Ce constat fait sens si l’on considère qu’un fût en bronze renchérit le coût d’un rabot d’environs 15 à 20%. Il suffit de laisser le tannin remonter au contact des rabots de dégrossissage (riflard) et de dressage (varlope) et de réserver la dernière passe aux rabots à fût en bronze pour effacer les traces générées par ces derniers et laisser dans le sillage du rabot en bronze de finition une surface impeccable.
Alors non je ne ressens pas un goût immodéré pour le luxe. Je suis juste à la recherche d’outils qui assurent leur fonction et je peux vous assurer que sur ce point, les rabots à fût en bronze font particulièrement bien le boulot.
2 replies to “Mais pourquoi donc des rabots en bronze?”
Ludovic
Bonjour Sébastien,
pour ma part je n’ai à ce jour, jamais rencontré ce problème. Il faudrait que le bois soit très humide pour qu’une réponse tanique se fasse. Notre bois étant généralement autour des 10% d’humidité, il est peu probable d’avoir ce genre d’issue.
Les personnes qui travaillent sur du bois vert doivent rencontrer ces problématiques. Pour ma part, Stanley 4 d’époque ! pour la majeure partie du temps et USA, (type pas beaucoup) pour la part de luxe mais n’importe quel Record, Stanley UK etc. feront l’affaire. Pssst les gens ! pensez à vous lavez les mains après l’utilisation des outils en bronze, il y a du plomb.
J’ai également remarqué que l’humidité du bois favorise la remontée des tanins au contact de la semelle en fonte ductile. Ceci dit et pour rebondir sur ce point, j’ai malgré tout dû faire face au phénomène de traces noir dans le sillage du rabot sur du châtaigner pourtant sec à moins de 10% à l’achat, et même séché davantage encore pendant la phase de stabilisation à mon domicile.
Merci en tous cas pour ce commentaire qui permet d’enrichir la discussion!
Excellente semaine.
Sébastien
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Mais pourquoi donc des rabots en bronze?
Je n’ai jamais ressenti un goût immodéré pour le luxe. Tout au plus je recherche, et cette quête déborde sur de nombreux pans de ma vie, des objets robustes, bien conçus et qui assure la fonction pour laquelle ils ont été conçus.
Le fût d’un rabot, c’est ce que l’on pourrait également appeler son corps. La plateforme à laquelle tous les organes de l’outil sont rattachés: les poignées, le chariot et par extension le groupe de coupe et le presseur. Le fût d’un rabot est révélateur de son architecture (à angle faible, à biseau vers bas) et si la planéité de la semelle (qui n’est autre qu’un des éléments du fût) n’a pas une importance capitale sur un riflard, elle ne doit souffrir d’aucun compromis sur un rabot à replanir.
Toujours est-il que l’on ne peut que constater qu’il existe des rabots dont le fût est constitué de fonte et des rabots dont le fût est fabriqué en bronze. Intriguant, non?
Encore plus intriguant est le constat que tous les rabots ne se déclinent pas dans une version pourvue d’un fût en bronze… Seuls quelques rabots seraient voués à être plus luxueux que d’autres? Et pourquoi à ce compte n’y a-t-il pas de rabots gravés avec des incrustations de pierre précieuse, dans le style des breloques mexicaines?
Parmi les arguments avancés sur la toile, on entend que le bronze est utilisé pour rendre le rabot plus lourd. Alors certes le poids d’un rabot en bronze est supérieure de 10 à 12% à celui d’un rabot en fonte mais je ne fais pour ma part aucune différence à la mise en oeuvre.
On entend également que le bronze améliore la glisse du rabot au contact du bois en se basant certainement sur le fait que certains paliers à sec sont faits en bronze. Soit. Mais cela justifie-t-il l’achat plus onéreux d’un rabot en bronze? D’autant que personnellement, avec un bon badigeon de paraffine, je trouve que la glisse d’un rabot en fonte est meilleure que celle d’un rabot en bronze.
L’explication pour moi réside ailleurs: les essences utilisées classiquement en ébénisterie sont plus ou moins tanniques. Le tannin est une substance bio-chimique qui participe à la protection de certaines essences d’arbre contre les microbes pathogènes, les champignons et autres insectes xylophages. Et les essences particulièrement chargées en tannin sont le chêne et le châtaigner.
C’est bien beau me direz-vous mais en quoi cela nous concerne-t-il? Le souci que pose le tannin devient criant lorsque l’on pose le regard sur du bois qui dans sa vie s’est pris une volée de plomb, a « avalé » un barbelé ou dans lequel un clou a été planté. Une tâche noire se développe autour du métal fiché dans le bois et cette tâche n’est autre que la réaction des tannins qui « remontent » au contact du métal.
D’ailleurs, le drame pour nous autres qui travaillons le bois provient du fait qu’il arrive que les tannins remontent au contact de la semelle du rabot en pleine séance de varlope. Et là également des tâches sombres apparaissent à la surface du bois, un peu comme si quelqu’un avait passé sur le bois avec un papier enduit de crayon graphite gras.
Ce n’est pas en essuyant méticuleusement la semelle que les tâches vont disparaître: il s’agit d’une réaction physico-chimique liée à la nature de l’essence de bois d’une part et à la nature de la semelle en fonte du rabot d’autre part. Il suffit donc de changer la matière de la semelle pour que le problème disparaisse et ça tombe bien puisque le bois est insensible de ce point de vue là au contact du bronze.
Alors pourquoi seuls certains rabots présentent-ils des fûts en bronze? Il est intéressant de constater que les rabots qui sont vendus avec des fûts en bronze sont tous des rabots de finition: les rabots à replanir, les wastringues, les rabots à parer, les rabots à retoucher les rainures et les rabots de paume notamment. Ce constat fait sens si l’on considère qu’un fût en bronze renchérit le coût d’un rabot d’environs 15 à 20%. Il suffit de laisser le tannin remonter au contact des rabots de dégrossissage (riflard) et de dressage (varlope) et de réserver la dernière passe aux rabots à fût en bronze pour effacer les traces générées par ces derniers et laisser dans le sillage du rabot en bronze de finition une surface impeccable.
Alors non je ne ressens pas un goût immodéré pour le luxe. Je suis juste à la recherche d’outils qui assurent leur fonction et je peux vous assurer que sur ce point, les rabots à fût en bronze font particulièrement bien le boulot.
2 replies to “Mais pourquoi donc des rabots en bronze?”
Ludovic
Bonjour Sébastien,
pour ma part je n’ai à ce jour, jamais rencontré ce problème. Il faudrait que le bois soit très humide pour qu’une réponse tanique se fasse. Notre bois étant généralement autour des 10% d’humidité, il est peu probable d’avoir ce genre d’issue.
Les personnes qui travaillent sur du bois vert doivent rencontrer ces problématiques. Pour ma part, Stanley 4 d’époque ! pour la majeure partie du temps et USA, (type pas beaucoup) pour la part de luxe mais n’importe quel Record, Stanley UK etc. feront l’affaire. Pssst les gens ! pensez à vous lavez les mains après l’utilisation des outils en bronze, il y a du plomb.
Merci pour vos partages, j’aime vous suivre.
Respectueusement, Ludovic.
Sébastien
Bonjour Ludovic,
J’ai également remarqué que l’humidité du bois favorise la remontée des tanins au contact de la semelle en fonte ductile. Ceci dit et pour rebondir sur ce point, j’ai malgré tout dû faire face au phénomène de traces noir dans le sillage du rabot sur du châtaigner pourtant sec à moins de 10% à l’achat, et même séché davantage encore pendant la phase de stabilisation à mon domicile.
Merci en tous cas pour ce commentaire qui permet d’enrichir la discussion!
Excellente semaine.
Sébastien