Les tout derniers cours donnés de l’autre côté de la France (un article à venir!!) et un travail conséquent sur d’autres projets dont la concrétisation ne devrait pas tarder ont laissé le blog de LMAB un peu en friche… En tous cas, voilà qui est réparé ! Alors entrons dans le vif du sujet: rabot en bois ou rabot en fonte? Lequel choisir?
J’imagine que si vous en êtes là, à lire ces lignes, l’intérêt que vous portez aux portraits de petits chatons au point de croix ou à la réalisation de paysages avec des trains en modèle réduits et des arbres en coton hydrophile reste somme toute très limité. Il n’empêche, si vous lisez ces lignes, c’est que le travail du bois à la main vous titille. Ou vous a déjà happé! En tous cas, la raison qui sous-tendent le choix d’un rabot en bois au détriment d’un rabot en fonte (ou vice-versa) n’est pas encore évident. J’ai pris le parti de me pencher sur la question et vous proposer des éléments de réponse.
La famille des rabots est vaste. Aussi, pour la pertinence du propos, je vous propose de nous attacher aux rabots d’établi. Ceci dit, vous le verrez, le raisonnement est applicable à d’autres membres de la famille (les guillaumes, guimbardes, bouvets, etc…). Et pour ne pas tomber dans les poncifs habituels (le rabot en bois est pas cher et c’est génial vs. le rabot en fonte, c’est lourd et c’est génial), il me semble bon de s’attarder un peu sur l’architecture des rabots. Je suis convaincu que le fait de comprendre comment ils sont construit et comment ils sont mis en œuvre vous permettra d’y voir plus clair.
Les rabots en bois
Le rabot en bois ou le rabot à fût en bois est le rabot de papy. Celui que l’on retrouve au grenier ou à la cave longtemps après que l’ancien ait passé l’arme à gauche. Il s’agit du type d’outils que l’on retrouve vendu pour une bouchée de pain dans les dépôts d’emmaüs. Vous savez, ceux qui disputent leur place avec les truelles rouillées et les têtes de pioches dans les caisses à vrac des brocantes.
Les rabots en bois sont des outils de conception simple. Ils mettent en jeu 4 éléments, deux en bois, deux en métal. Guère plus. En premier lieu, ils présentent un fût qui constitue le corps de l’outil. Un morceau de cormier généralement, coupé sur quartier le plus souvent. Ceci afin de limiter l’usure et la déformations du fût (et par conséquent celle de la semelle). Parce que oui, monsieur, le bois se déforme avec les variations du taux d’humidité de l’air ambiant. Un fer et un contre-fer constituent le groupe de coupe. Ces deux éléments libres (c’est à dire non couplés l’un à l’autre par une vis) sont insérés dans la mortaise et positionnés sur le lit du fût. La mortaise, c’est ce trou qui traverse de part en part le corps du rabot en bois. Le lit, lui, n’est autre que la surface légèrement pentue de l’about de la mortaise. Il s’agit de la surface sur laquelle repose le groupe de coupe. Les flancs de la mortaise sont davantage creusés, ce qui permet d’accueillir un coin. Ce coin, comme son nom l’indique, vient maintenir le groupe de coupe en position en le coinçant dans la mortaise.
Réglage de la profondeur de passe
On ne va pas se cacher derrière notre petit doigt: régler avec précision un rabot en bois n’est pas une sinécure. Ça peut vite se révéler fastidieux, à fortiori lorsque l’on débute.
Dans un premier temps pour donner du fer, on tape en bout de fer à l’aide d’un marteau. La saillie du tranchant augmente et par conséquent la profondeur de passe augmente. Pour reprendre du fer, en revanche, on tape sur le cul du fût ou sur le dessus du nez. Il faut en même temps maintenir le coin à l’aide de la main qui tient l’outil sous peine de voir le groupe de coupe choir au sol. On procède ainsi en bornoyant la semelle jusqu’à atteindre la profondeur de passe voulue.
Réglage du balancement
Le balancement est réglé de façon similaire avec une petite tape au marteau en laiton à droite ou à gauche. Ceci a pour effet de redresser le fer dans la lumière. Une fois la profondeur de passe atteinte, une fois le balancement réglé, une frappe sèche sur le coin permet de verrouiller l’ensemble. Notez que ce dernier coup est important: sans verrouillage le groupe de coupe se mettrait à danser pendant la passe. Tous vos efforts et l’application minutieuse avec laquelle vous avez réglé le rabot seraient réduits à néant. Une passe d’essai permet de confirmer au ressenti et reprendre le réglage le cas échéant.
Quand je parle de ressenti, il n’y a rien d’ésotérique dans mon propos, loin s’en faut. En effet, tout l’enjeu consiste à trouver le meilleur compromis entre l’effort fournit et l’épaisseur du copeau arraché. Et là, il n’y a qu’un seul juge de paix: c’est votre bras! Pssst: c’est le moment opportun pour se pencher sur la question de l’affûtage!
Quoiqu’il en soit, certains rabots en bois ont évolué et ont été équipés d’une profondeur de passe réglable. Mais malgré la meilleure volonté des ingénieurs de l’époque, c’est loin d’être la panacée.
La mise en œuvre des rabots en bois
Le rabot en bois requière une certaine pression sur le tranchant pour que ce dernier morde la matière. Pour cela, papy et mamie (quand elle rabotait à sa place) avaient une technique infaillible. Ils plaçaient le coude au dessus du rabot, avant-bras vertical, ce qui permettait d’exercer de la pression sur l’outil.
Les rabots en bois étaient mis en œuvre sur des établis généralement plus bas. L’artisan était ainsi positionné en surplomb au dessus de l’outil, ce qui facilitait l’application de ladite pression.
Autres considérations sur les rabots en bois
Enfin, le rabot à fût en bois, comme son nom l’indique est en … Je vous le donne en mille… BOIS, bravo!!! Ca peut semble trivial, dit comme ça, mais le fait que le fût soit en bois n’est pas sans conséquence, loin de là! En premier lieu, les vieux outils servent souvent de garde-manger aux petites bestioles. Et très personnellement, je suis extrêmement réticent à faire entrer le renard dans le poulailler la vrillette* dans l’atelier.
* Ils disent les coustous de par chez moi!
Autre point important induit par la nature du matériau qui le constitue: le rabot se déforme. Comme toute pièce de bois, un rabot en bois subit les variations hygrométriques. A ce titre, la semelle qui était plane à la saison sèche peut prendre du gauche à la saison humide. L’avantage, c’est que vous avez tout à l’atelier pour redonner à votre semelle la planéité d’une table de billard. Une plaque en verre, ou un marbre et un papier abrasif ou encore un rabot et une règle rectifiée… Bref, ce n’est pas un problème.
Sauf que…
Problème de lumière
Si un léger défaut reste acceptable sur un riflard ou une varlope, la semelle d’un rabot à replanir se doit d’être parfaitement plane. Et à la saison humide la semelle va reprendre du gauche et il va falloir à nouveau la rectifier. Or la mortaise s’évase au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la semelle. Ce qui rend va rendre les choses délicates. En effet, la lumière va par conséquent s’ouvrir avec les rectifications successives. Pour y remédier, oh ben rien de plus simple… Il faudra creuser une mortaise à l’avant de la semelle pour y placer une pièce qui viendra refermer la lumière… Tout ça, je vous prie de me croire, n’est pas à la portée du premier venu!
Alors, rabot en bois ou rabot en fonte? Avant d’en parler, voyons ce que les rabots en fonte ont à nous offrir.
Rabot en fonte
Le rabot en fonte est apparu bien plus tard. D’ailleurs les premiers outils de ce type sont nés au milieu du XIXème siècle. Le corps de ces rabots est constitué de fonte ductile et même certains ont été fabriqués en bronze. Et si une semelle en bronze offre certains avantages, ce n’est pas le propos de cet article.
Les rabots en fonte, tout droit sorti des usines de la révolution industrielle sont de construction bien plus complexe. Par conséquent, ils sont plus onéreux. Au bas mot, 35 pièces différentes constituant les 16 éléments à partir desquels un rabot de forme Bailey-Bedrock est construit. L’immense majorité des pièces sont en métal. Les interfaces entre les éléments sont pour leur grand majorité usinés. L’usinage offre des appuis bien plus précis et réduit par conséquent le jeu mécanique. L’appui du groupe de coupe est, pour peu que le fabricant sache de quoi il en retourne, parfaitement plan. Les réglages sont précis et si tant est que le groupe de coupe soit suffisamment épais, les vibrations en cours de passe sont inexistantes.
Les rabots en fonte présentent une mécanique plus complexe qui donne un accès direct aux différents réglages.
Réglages sur un rabot en fonte
Pour se limiter aux deux réglages fondamentaux (profondeur de passe et balancement), les rabots en fonte se distinguent en deux grandes familles. Il y a les mécanismes de type Bailey-Bedrock d’une part et les mécanismes de type Norris d’autre part. L’un comme l’autre permettent un réglage à la fois de la profondeur de passe tout comme du balancement du fer. Ceci dit, l’architecture Bailey Bedrock présente cet avantage non négligeable de permettre le réglage de profondeur de passe à la volée.
Pour régler la profondeur de passe, il suffit d’actionner la molette dans le sens des aiguilles d’une montre. Le mécanisme vient appuyer sur le groupe de coupe. Ceci a pour effet d’augmenter la saillie du fer à travers la lumière. Pour reprendre du fer, il convient d’actionner la molette dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Notez qu’il existe une course morte inhérente au jeu que présente le mécanisme. D’ailleurs plus le rabot est de bonne facture, plus cette course morte est faible. Ceci dit, il faut impérativement reprendre la course morte quand on reprend du fer. En effet, le jeu mécanique dont la course morte n’est que le témoin laisserait toute latitude au fer pour se rétracter dans la lumière en cours de passe!
Enfin, un bornoyage en règle de la semelle ainsi qu’une passe d’essai permettront de confirmer le réglage.
Réglage du balancement sur un rabot en fonte
Et le réglage du balancement du fer est tout aussi simple à effectuer. En effet, un levier est actionné en direction de la saillie du fer que l’on constate en bornoyant la semelle. Rien de plus! Notez que sur les architectures Bailey-Bedrock, le levier est indépendant du mécanisme de réglage de profondeur de passe . A contrario, sur les mécanismes Norris, réglage de profondeur de passe et réglage du balancement du fer sont couplés.
Pas de danse de la pluie, donc, pas de tapotages au marteau sur le dessus, sur le côte, par derrière… On ne fait pas de cérémonie vaudoue, on pose un acte clair de menuiserie! Avec un rabot en fonte, ce n’est pas plus compliqué que ça!
Alors, rabot en bois ou rabot en fonte?
Je vous propose de résumer les avantages et les inconvénients des rabots en bois ou des rabots en fonte dans le tableau suivant (à visionner sur un ordinateur pour permettre une lecture comparative des deux types de rabots):
Rabot en bois
Rabot en fonte
Construction simple mettant en jeu 4 éléments.
Construction plus complexe allant jusqu’à 16 éléments avec différentes.
Matériau: hormis le groupe de coupe, ce n’est que du bois. Peu d’entretien.
Matériau: fonte, acier, laiton, parfois bronze. Huiler systématiquement les pièces en fonte et en acier à l’huile de camélia ou de jojoba pour protéger les surfaces de la corrosion.
Prix modéré.
Prix élevé.
Ergonomie: on ne peut faire plus simple. C’est un bloc de bois qu’on croirait dessiné par des designers d’ex RDA et dans lequel on a pratiqué une mortaise.
Ergonomie: une poignée et un pommeau qui sont plus ou moins fait à la main en fonction des marques. En tout état de cause, meilleure que sur un rabot en bois.
Mise en oeuvre: nécessite une plus grande pression pour que le fer prenne du bois. Position en surplomb et établi légèrement plus bas.
Mise en oeuvre: le poids propre du rabot participe à la pression sur le tranchant. Une main appuie sur la partie avant, l’autre sert à propulser l’outil.
Réglage: au marteau, nécessite une certaine expérience.
Régalge: plutôt intuitif mais nécessite de reprendre la course morte quand on reprend du fer.
Hygroscopie? oui, peut nécessiter de reprendre la planéité de la semelle. Induit un élargissement de la lumière qu’il faut alors reprendre… travail lourd
Hygroscopie? Seulement les poignées qui peuvent nécessiter de resserrer les vis pour effacer un éventuel jeu.
En occasion faire très attention à la présence de vrillette (trous visibles en surface du bois), vérifier l’intégrité du coin et l’absence de fente sur le fût à proximité de la lumière. Vérifier l’état du fer (absence d’ébréchure sur le tranchant) ainsi que le contact parfait du contre-fer sur la surface du fer. Vérifier l’état de la semelle juste devant la lumière. Tout le reste est corrigible.
En occasion vérifier la planéité de la semelle en particulier en amont de la lumière. Vérifier que les pièces mécaniques mises en jeu dans le mécanisme de réglage n’ont pas été forcées (intégrité des filetages, fourchette non déformée sur la came du mécanisme bailey bedrock). S’assurer de l’état général de la semelle (absence de rayures) et en particulier juste devant la lumière. Vérifier l’absence de marques dues à des chocs sur les éléments du rabot. Vérifier l’absence d’ébréchure sur le tranchant du fer ainsi que le contact parfait du contre-fer sur le fer.
S'il fallait résumer...
J’espère avoir réussi, au travers de cet article, à expliciter les caractéristiques, les avantages et les inconvénients des rabots en bois ou des rabot en fonte. Et puis mon petit doigt me dit qu’il y a des choses qui se trament et que vous aurez bientôt l’occasion d’en savoir plus encore sur les rabots et bien d’autres outils…. 😉 Mais revenons à nos moutons et s’il fallait résumer:
Je possède quelques rabots en bois dans mon atelier. Les rabots n’ont pas vu le contact du bois depuis de nombreuses années mais je les ai choisis pour le folklore et pour ce petit goût « rabot-du-daron ». Ils ont ce côté vintage et une patine agréable. Et puis ils portent en eux cette petite touche France pompidolienne voire même gaullienne qui fleure bon les volants de deuche en bakélite et les mégots de gitane dans les cendriers Ricard posés au milieu de la table en formica. Ceci dit, leur utilisation demande un certain doigté et leur mise en œuvre n’est pas intuitive. De plus, en dehors de quelques très très rares exceptions, les rabots en bois que l’on trouve ont dans leur immense majorité sur le marché de l’occasion été fortement malmenés. Soit ils l’ont été pendant leur vie de labeur, soit ils ont été mal conservés, voire abîmés, soit ils ont été transformé en gruyère par les xylophages. Et à moins d’avoir de bonnes connaissances dans le travail du bois, leur restauration n’est pas évidente. Bref, un outil qui n’est pas à la portée du premier venu.
Je me tournerai davantage vers un rabot en fonte si je devais m’inscrire dans une logique de production. Il n’est pas question ici de faire concurrence à IKEA (j’en parle ici!). Je parle bien de la mise en œuvre d’un outil fonctionnel pour pouvoir corroyer de manière efficace en vue de réaliser des meubles. Et pour un coût un peu plus élevé, la semelle ne se déforme pas, le réglage est intuitif et malgré un entretien simple mais nécessaire vous pourrez très très vite avoir la satisfaction d’arracher le premier copeau de votre planche de bois!
Vous avez toutes les carte en main, et ici, il n’y a pas de 49.3 pour décider à votre place: c’est maintenant à vous de faire votre choix!
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Rabot en bois ou rabot en fonte? Lequel choisir?
Les tout derniers cours donnés de l’autre côté de la France (un article à venir!!) et un travail conséquent sur d’autres projets dont la concrétisation ne devrait pas tarder ont laissé le blog de LMAB un peu en friche… En tous cas, voilà qui est réparé ! Alors entrons dans le vif du sujet: rabot en bois ou rabot en fonte? Lequel choisir?
J’imagine que si vous en êtes là, à lire ces lignes, l’intérêt que vous portez aux portraits de petits chatons au point de croix ou à la réalisation de paysages avec des trains en modèle réduits et des arbres en coton hydrophile reste somme toute très limité. Il n’empêche, si vous lisez ces lignes, c’est que le travail du bois à la main vous titille. Ou vous a déjà happé! En tous cas, la raison qui sous-tendent le choix d’un rabot en bois au détriment d’un rabot en fonte (ou vice-versa) n’est pas encore évident. J’ai pris le parti de me pencher sur la question et vous proposer des éléments de réponse.
La famille des rabots est vaste. Aussi, pour la pertinence du propos, je vous propose de nous attacher aux rabots d’établi. Ceci dit, vous le verrez, le raisonnement est applicable à d’autres membres de la famille (les guillaumes, guimbardes, bouvets, etc…). Et pour ne pas tomber dans les poncifs habituels (le rabot en bois est pas cher et c’est génial vs. le rabot en fonte, c’est lourd et c’est génial), il me semble bon de s’attarder un peu sur l’architecture des rabots. Je suis convaincu que le fait de comprendre comment ils sont construit et comment ils sont mis en œuvre vous permettra d’y voir plus clair.
Les rabots en bois
Le rabot en bois ou le rabot à fût en bois est le rabot de papy. Celui que l’on retrouve au grenier ou à la cave longtemps après que l’ancien ait passé l’arme à gauche. Il s’agit du type d’outils que l’on retrouve vendu pour une bouchée de pain dans les dépôts d’emmaüs. Vous savez, ceux qui disputent leur place avec les truelles rouillées et les têtes de pioches dans les caisses à vrac des brocantes.
Les rabots en bois sont des outils de conception simple. Ils mettent en jeu 4 éléments, deux en bois, deux en métal. Guère plus.
En premier lieu, ils présentent un fût qui constitue le corps de l’outil. Un morceau de cormier généralement, coupé sur quartier le plus souvent. Ceci afin de limiter l’usure et la déformations du fût (et par conséquent celle de la semelle). Parce que oui, monsieur, le bois se déforme avec les variations du taux d’humidité de l’air ambiant.
Un fer et un contre-fer constituent le groupe de coupe. Ces deux éléments libres (c’est à dire non couplés l’un à l’autre par une vis) sont insérés dans la mortaise et positionnés sur le lit du fût. La mortaise, c’est ce trou qui traverse de part en part le corps du rabot en bois. Le lit, lui, n’est autre que la surface légèrement pentue de l’about de la mortaise. Il s’agit de la surface sur laquelle repose le groupe de coupe. Les flancs de la mortaise sont davantage creusés, ce qui permet d’accueillir un coin. Ce coin, comme son nom l’indique, vient maintenir le groupe de coupe en position en le coinçant dans la mortaise.
Réglage de la profondeur de passe
On ne va pas se cacher derrière notre petit doigt: régler avec précision un rabot en bois n’est pas une sinécure. Ça peut vite se révéler fastidieux, à fortiori lorsque l’on débute.
Dans un premier temps pour donner du fer, on tape en bout de fer à l’aide d’un marteau. La saillie du tranchant augmente et par conséquent la profondeur de passe augmente.
Pour reprendre du fer, en revanche, on tape sur le cul du fût ou sur le dessus du nez. Il faut en même temps maintenir le coin à l’aide de la main qui tient l’outil sous peine de voir le groupe de coupe choir au sol. On procède ainsi en bornoyant la semelle jusqu’à atteindre la profondeur de passe voulue.
Réglage du balancement
Le balancement est réglé de façon similaire avec une petite tape au marteau en laiton à droite ou à gauche. Ceci a pour effet de redresser le fer dans la lumière. Une fois la profondeur de passe atteinte, une fois le balancement réglé, une frappe sèche sur le coin permet de verrouiller l’ensemble. Notez que ce dernier coup est important: sans verrouillage le groupe de coupe se mettrait à danser pendant la passe. Tous vos efforts et l’application minutieuse avec laquelle vous avez réglé le rabot seraient réduits à néant. Une passe d’essai permet de confirmer au ressenti et reprendre le réglage le cas échéant.
Quand je parle de ressenti, il n’y a rien d’ésotérique dans mon propos, loin s’en faut. En effet, tout l’enjeu consiste à trouver le meilleur compromis entre l’effort fournit et l’épaisseur du copeau arraché. Et là, il n’y a qu’un seul juge de paix: c’est votre bras! Pssst: c’est le moment opportun pour se pencher sur la question de l’affûtage!
Quoiqu’il en soit, certains rabots en bois ont évolué et ont été équipés d’une profondeur de passe réglable. Mais malgré la meilleure volonté des ingénieurs de l’époque, c’est loin d’être la panacée.
La mise en œuvre des rabots en bois
Le rabot en bois requière une certaine pression sur le tranchant pour que ce dernier morde la matière. Pour cela, papy et mamie (quand elle rabotait à sa place) avaient une technique infaillible. Ils plaçaient le coude au dessus du rabot, avant-bras vertical, ce qui permettait d’exercer de la pression sur l’outil.
Les rabots en bois étaient mis en œuvre sur des établis généralement plus bas. L’artisan était ainsi positionné en surplomb au dessus de l’outil, ce qui facilitait l’application de ladite pression.
Autres considérations sur les rabots en bois
Enfin, le rabot à fût en bois, comme son nom l’indique est en … Je vous le donne en mille… BOIS, bravo!!!
Ca peut semble trivial, dit comme ça, mais le fait que le fût soit en bois n’est pas sans conséquence, loin de là! En premier lieu, les vieux outils servent souvent de garde-manger aux petites bestioles. Et très personnellement, je suis extrêmement réticent à faire entrer
le renard dans le poulaillerla vrillette* dans l’atelier.* Ils disent les coustous de par chez moi!
Autre point important induit par la nature du matériau qui le constitue: le rabot se déforme. Comme toute pièce de bois, un rabot en bois subit les variations hygrométriques. A ce titre, la semelle qui était plane à la saison sèche peut prendre du gauche à la saison humide. L’avantage, c’est que vous avez tout à l’atelier pour redonner à votre semelle la planéité d’une table de billard. Une plaque en verre, ou un marbre et un papier abrasif ou encore un rabot et une règle rectifiée… Bref, ce n’est pas un problème.
Sauf que…
Problème de lumière
Si un léger défaut reste acceptable sur un riflard ou une varlope, la semelle d’un rabot à replanir se doit d’être parfaitement plane. Et à la saison humide la semelle va reprendre du gauche et il va falloir à nouveau la rectifier.
Or la mortaise s’évase au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la semelle. Ce qui rend va rendre les choses délicates. En effet, la lumière va par conséquent s’ouvrir avec les rectifications successives. Pour y remédier, oh ben rien de plus simple… Il faudra creuser une mortaise à l’avant de la semelle pour y placer une pièce qui viendra refermer la lumière… Tout ça, je vous prie de me croire, n’est pas à la portée du premier venu!
Alors, rabot en bois ou rabot en fonte? Avant d’en parler, voyons ce que les rabots en fonte ont à nous offrir.
Rabot en fonte
Le rabot en fonte est apparu bien plus tard. D’ailleurs les premiers outils de ce type sont nés au milieu du XIXème siècle. Le corps de ces rabots est constitué de fonte ductile et même certains ont été fabriqués en bronze. Et si une semelle en bronze offre certains avantages, ce n’est pas le propos de cet article.
Les rabots en fonte, tout droit sorti des usines de la révolution industrielle sont de construction bien plus complexe. Par conséquent, ils sont plus onéreux. Au bas mot, 35 pièces différentes constituant les 16 éléments à partir desquels un rabot de forme Bailey-Bedrock est construit. L’immense majorité des pièces sont en métal. Les interfaces entre les éléments sont pour leur grand majorité usinés. L’usinage offre des appuis bien plus précis et réduit par conséquent le jeu mécanique. L’appui du groupe de coupe est, pour peu que le fabricant sache de quoi il en retourne, parfaitement plan. Les réglages sont précis et si tant est que le groupe de coupe soit suffisamment épais, les vibrations en cours de passe sont inexistantes.
Les rabots en fonte présentent une mécanique plus complexe qui donne un accès direct aux différents réglages.
Réglages sur un rabot en fonte
Pour se limiter aux deux réglages fondamentaux (profondeur de passe et balancement), les rabots en fonte se distinguent en deux grandes familles. Il y a les mécanismes de type Bailey-Bedrock d’une part et les mécanismes de type Norris d’autre part. L’un comme l’autre permettent un réglage à la fois de la profondeur de passe tout comme du balancement du fer. Ceci dit, l’architecture Bailey Bedrock présente cet avantage non négligeable de permettre le réglage de profondeur de passe à la volée.
Pour régler la profondeur de passe, il suffit d’actionner la molette dans le sens des aiguilles d’une montre. Le mécanisme vient appuyer sur le groupe de coupe. Ceci a pour effet d’augmenter la saillie du fer à travers la lumière. Pour reprendre du fer, il convient d’actionner la molette dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Notez qu’il existe une course morte inhérente au jeu que présente le mécanisme. D’ailleurs plus le rabot est de bonne facture, plus cette course morte est faible. Ceci dit, il faut impérativement reprendre la course morte quand on reprend du fer. En effet, le jeu mécanique dont la course morte n’est que le témoin laisserait toute latitude au fer pour se rétracter dans la lumière en cours de passe!
Enfin, un bornoyage en règle de la semelle ainsi qu’une passe d’essai permettront de confirmer le réglage.
Réglage du balancement sur un rabot en fonte
Et le réglage du balancement du fer est tout aussi simple à effectuer. En effet, un levier est actionné en direction de la saillie du fer que l’on constate en bornoyant la semelle. Rien de plus! Notez que sur les architectures Bailey-Bedrock, le levier est indépendant du mécanisme de réglage de profondeur de passe . A contrario, sur les mécanismes Norris, réglage de profondeur de passe et réglage du balancement du fer sont couplés.
Pas de danse de la pluie, donc, pas de tapotages au marteau sur le dessus, sur le côte, par derrière… On ne fait pas de cérémonie vaudoue, on pose un acte clair de menuiserie!
Avec un rabot en fonte, ce n’est pas plus compliqué que ça!
Alors, rabot en bois ou rabot en fonte?
Je vous propose de résumer les avantages et les inconvénients des rabots en bois ou des rabots en fonte dans le tableau suivant (à visionner sur un ordinateur pour permettre une lecture comparative des deux types de rabots):
Rabot en bois
Rabot en fonte
Construction simple mettant en jeu 4 éléments.
Construction plus complexe allant jusqu’à 16 éléments avec différentes.
Matériau: hormis le groupe de coupe, ce n’est que du bois. Peu d’entretien.
Matériau: fonte, acier, laiton, parfois bronze. Huiler systématiquement les pièces en fonte et en acier à l’huile de camélia ou de jojoba pour protéger les surfaces de la corrosion.
Prix modéré.
Prix élevé.
Ergonomie: on ne peut faire plus simple. C’est un bloc de bois qu’on croirait dessiné par des designers d’ex RDA et dans lequel on a pratiqué une mortaise.
Ergonomie: une poignée et un pommeau qui sont plus ou moins fait à la main en fonction des marques. En tout état de cause, meilleure que sur un rabot en bois.
Mise en oeuvre: nécessite une plus grande pression pour que le fer prenne du bois. Position en surplomb et établi légèrement plus bas.
Mise en oeuvre: le poids propre du rabot participe à la pression sur le tranchant. Une main appuie sur la partie avant, l’autre sert à propulser l’outil.
Réglage: au marteau, nécessite une certaine expérience.
Régalge: plutôt intuitif mais nécessite de reprendre la course morte quand on reprend du fer.
Hygroscopie? oui, peut nécessiter de reprendre la planéité de la semelle. Induit un élargissement de la lumière qu’il faut alors reprendre… travail lourd
Hygroscopie? Seulement les poignées qui peuvent nécessiter de resserrer les vis pour effacer un éventuel jeu.
En occasion faire très attention à la présence de vrillette (trous visibles en surface du bois), vérifier l’intégrité du coin et l’absence de fente sur le fût à proximité de la lumière. Vérifier l’état du fer (absence d’ébréchure sur le tranchant) ainsi que le contact parfait du contre-fer sur la surface du fer. Vérifier l’état de la semelle juste devant la lumière. Tout le reste est corrigible.
En occasion vérifier la planéité de la semelle en particulier en amont de la lumière. Vérifier que les pièces mécaniques mises en jeu dans le mécanisme de réglage n’ont pas été forcées (intégrité des filetages, fourchette non déformée sur la came du mécanisme bailey bedrock). S’assurer de l’état général de la semelle (absence de rayures) et en particulier juste devant la lumière. Vérifier l’absence de marques dues à des chocs sur les éléments du rabot. Vérifier l’absence d’ébréchure sur le tranchant du fer ainsi que le contact parfait du contre-fer sur le fer.
S'il fallait résumer...
J’espère avoir réussi, au travers de cet article, à expliciter les caractéristiques, les avantages et les inconvénients des rabots en bois ou des rabot en fonte. Et puis mon petit doigt me dit qu’il y a des choses qui se trament et que vous aurez bientôt l’occasion d’en savoir plus encore sur les rabots et bien d’autres outils…. 😉
Mais revenons à nos moutons et s’il fallait résumer:
Je possède quelques rabots en bois dans mon atelier. Les rabots n’ont pas vu le contact du bois depuis de nombreuses années mais je les ai choisis pour le folklore et pour ce petit goût « rabot-du-daron ». Ils ont ce côté vintage et une patine agréable. Et puis ils portent en eux cette petite touche France pompidolienne voire même gaullienne qui fleure bon les volants de deuche en bakélite et les mégots de gitane dans les cendriers Ricard posés au milieu de la table en formica.
Ceci dit, leur utilisation demande un certain doigté et leur mise en œuvre n’est pas intuitive. De plus, en dehors de quelques très très rares exceptions, les rabots en bois que l’on trouve ont dans leur immense majorité sur le marché de l’occasion été fortement malmenés. Soit ils l’ont été pendant leur vie de labeur, soit ils ont été mal conservés, voire abîmés, soit ils ont été transformé en gruyère par les xylophages. Et à moins d’avoir de bonnes connaissances dans le travail du bois, leur restauration n’est pas évidente. Bref, un outil qui n’est pas à la portée du premier venu.
Je me tournerai davantage vers un rabot en fonte si je devais m’inscrire dans une logique de production. Il n’est pas question ici de faire concurrence à IKEA (j’en parle ici!). Je parle bien de la mise en œuvre d’un outil fonctionnel pour pouvoir corroyer de manière efficace en vue de réaliser des meubles. Et pour un coût un peu plus élevé, la semelle ne se déforme pas, le réglage est intuitif et malgré un entretien simple mais nécessaire vous pourrez très très vite avoir la satisfaction d’arracher le premier copeau de votre planche de bois!
Vous avez toutes les carte en main, et ici, il n’y a pas de 49.3 pour décider à votre place: c’est maintenant à vous de faire votre choix!