Quels outils pour le travail du bois à la main? L’article que vous vous apprêtez à lire constitue le second volet d’une série de six articles consacrés aux stratégies pour s’équiper quand on souhaite travailler le bois à la main. Si vous n’avez pas encore pris connaissance de l’article précédent, je vous invite à lire: Avec quels outils travailler le bois à la main (1/6)
Règle n°1: Choisir judicieusement la gamme de ses outils
Alors, vers quelle gamme se tourner quand on souhaite s’équiper pour travailler le bois à la main? A mon sens et je ne vais pas y aller par quatre chemins: dans le cadre d’une pratique même de loisir un tant soit peu sérieuse pour travailler le bois à la main, c’est le choix d’outils haut de gamme qui s’impose. Attention, je ne parle pas d’outils luxueux, je parle bien d’outils de qualité.
Et si l’entrée en matière est un peu radicale, je dois le concéder, il me semble important de justifier cette position.
Ce choix du haut de gamme n’est pas l’expression du caprice d’un individu issu de la classe moyenne qui passe la frustration de ses origines prolétaires dans l’achat compulsif d’outils d’un certain coût. Il s’agit bien d’un choix mûrement réfléchi qui amène à ce segment et à l’exclusion de tous les autres.
Choisir le bas de gamme c’est opter pour un outil qui, c’est une certitude, n’assurera pas sa fonction. A ce niveau de prix, il est impossible ne serait-ce que de financer la conception d’un outil dans les règles de l’art en s’appuyant sur des personnes compétentes (parce que quoiqu’on en dise, la compétence à un prix). Les matériaux dont ces outils sont constitués sont d’une qualité exécrables. La tenue en main est catastrophique et douloureuse, et l’outil peut même se révéler dangereux à la mise en œuvre. Dans ce segment, ce ne sont pas des outils que l’on vous propose, tout au plus des objets en forme d’outil. Pour illustrer ce point, il me fallait ouvrir une boîte de peinture et mon cœur saignait à l’idée de devoir utiliser un de mes ciseaux à bois. J’ai pris un jeu de cinq « ciseaux à bois » que l’on trouve dans les caisses grillagées en pied de gondole au rayon outillage du Leclerc du coin. Je suis certain que la pochette plastique coûtait plus cher que le métal utilisé pour leur fabrication. Autant dire que même d’apparence ces objets n’avaient rien d’un ciseau: la planche avait la planéité du skate park dans lequel mon fils envoie des sauts en trotinette et le biseau était au tranchant ce que le la luciole est à la lumière du soleil. Et vous savez le pire? Les « ciseaux » se sont TOUS tordus quand j’ai tenté d’ouvrir la boîte de peinture!
Le moyenne gamme reste une option éventuellement envisageable: dans ce segment, l’outil assure sa fonction de façon plus ou moins efficace. Mais les restrictions de coût de production se sont fait au dépend de la fonctionnalité et de l’ergonomie. Un choix économique permettant des gains de matière première imposent la simplification de la butée de profondeur de passe par exemple qui sera délibérément rendue moins fiable. Ou encore pour des raisons de réduction des coûts, l’emploi d’un acier de moindre qualité pour constituer le fer du rabot fera qu’il s’ébréchera plus facilement et tiendra moins l’affûtage. A l’époque j’ai investi – il s’agit des tous premiers rabots dont je me suis équipé – dans un coffret de la marque Faithfull qui comportait un n°4 et un rabot de paume pour la modique somme de 75€. En réalité, j’aurais mieux fait de jeter cet argent par la fenêtre: le réglage de profondeur de passe du rabot de paume ne tenait pas le réglage. Sur le rabot à replanir, la semelle n’avait rien de plan, le réglage du fer était tout aussi difficile et les éléments du groupe de coupe (le fer et le contre-fer) avaient l’épaisseur d’un papier à cigarette. Sur l’établi? Eh bien la non planéité de la semelle faisait que parfois l’outil prenait du copeau, et parfois non. Et il fallait être gourou vaudou pour être en mesure de prédire quand ce serait le cas. D’ailleurs, quand le tranchant mordait le bois, le fer plantait dans la matière, le groupe de coupe se déformait avec la poussée que j’exerçais sur le rabot, puis la tension était telle qu’un copeau était arraché et le groupe de coupe reprenait sa position initiale pour replanter, se retendre, arracher à nouveau du copeau puis se relâcher… etc… Ainsi la surface dans le sillage du rabot, censée être parfaitement plane et douce en sortie de passe, était en réalité parcourue de vaguelettes et d’arrachements, c’est à dire le contraire de ce pour quoi on emploie un n°4…
En réalité, dans ce segment du moyenne gamme et à fortiori dans le bas de gamme, c’est triste à dire mais que le fabricant produise de la chaussure de sport, de la tisane ou du ciseau à bois, l’outil n’est qu’un prétexte ou le moyen pour l’entreprise de générer du chiffre d’affaire et par extension de la marge pour optimiser les dividendes reversés aux actionnaires, en particulier quand en bout de chaîne on retrouve des fonds de pensions nord-américains qui imposent leur exigence de rentabilité offensante. Les actionnaires n’ont cure de la noblesse et de la qualité de l’outillage mis sur le marché: l’objectif est de maximiser ce qui sera reversé quitte à ce que les coûts induits soient directement supportés par la société ou notre environnement.
Les fabricants d’outils haut de gamme, s’ils ne peuvent s’extraire de la logique économique et compétitive du marché dans lequel ils évoluent, restent, et c’est un constat que je dresse, maîtres du produit qu’ils développent et qu’ils commercialisent. Concrètement? Il est vrai que le prix en sera plus élevé, mais il s’agit du prix juste de l’outil. Le prix de l’outil tel qu’il coûte réellement à être produit et mis sur le marché. Et en terme d’outillage à proprement parler? Eh bien l’outil est robuste et solide, il assure la fonction qu’il est censé assurer (c’est tout de même ce qu’on lui demande, non?) et il l’assure durablement (l’outil ne se dérègle pas pendant sa mise en œuvre). Son ergonomie est parfaitement adaptée à de longues heures de mise en œuvre, là où un outil de gamme inférieure aura déjà généré une ampoule dans le creux de la paume, un trouble musculo-squelettique au niveau de la main, du bras ou de l’épaule. Et ce détail n’est pas des moindres: il faut vous préparer à raboter et à scier parce que ce sont vos mains qui vont faire le travail…!
Ainsi, en matière d’outil et en réalité cette idée est transposables dans de nombreux domaines de la vie, il me semble fondamental de changer de paradigme: ce ne sont pas des outils bas de gamme qui sont des outils sur la base desquels toute progression en gamme se traduirait par une amélioration! Ce sont bien les outils haut de gamme fonctionnels et ergonomiques qui constituent la véritable base de comparaison: les moyennes gammes et les outils bas de gamme ne sont que des versions détériorées de ces derniers, sacrifiant de façon plus ou moins violente et plus ou moins flagrante l’ergonomie et/ou la fonctionnalité sur l’autel de la compétitivité économique. Le tragique dans cette histoire réside dans le fait que produire des outils bas de gamme reste rentable puisque nous ne sommes pas éduqué à choisir les bons outils et qu’il nous est à priori très difficile de trier le bon grain de l’ivraie…
One reply to “Avec quels outils travailler le bois à la main? (2/6)”
otedanyel
Bonjour ! C’est peu dire que je parcours avec la plus grande attention cette série de billets de blog ! J’ai de multiples idées de projets d’ébénisterie (un meuble à pots pour confitures et autres ingrédients , un support pour tablette, un bureau à plateau escamotable pour ordinateur et vélo pliant…) mais toujours aucun outil digne de ce nom pour les réaliser comme je l’entends – jusqu’à présent, c’était : je scie, je visse/cloue et c’est tout. Dommage que je sois un peu loin de Toulouse pour les sessions de formation !
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web. Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.OK
Avec quels outils travailler le bois à la main? (2/6)
Quels outils pour le travail du bois à la main? L’article que vous vous apprêtez à lire constitue le second volet d’une série de six articles consacrés aux stratégies pour s’équiper quand on souhaite travailler le bois à la main. Si vous n’avez pas encore pris connaissance de l’article précédent, je vous invite à lire: Avec quels outils travailler le bois à la main (1/6)
Règle n°1: Choisir judicieusement la gamme de ses outils
Alors, vers quelle gamme se tourner quand on souhaite s’équiper pour travailler le bois à la main? A mon sens et je ne vais pas y aller par quatre chemins: dans le cadre d’une pratique même de loisir un tant soit peu sérieuse pour travailler le bois à la main, c’est le choix d’outils haut de gamme qui s’impose. Attention, je ne parle pas d’outils luxueux, je parle bien d’outils de qualité.
Et si l’entrée en matière est un peu radicale, je dois le concéder, il me semble important de justifier cette position.
Ce choix du haut de gamme n’est pas l’expression du caprice d’un individu issu de la classe moyenne qui passe la frustration de ses origines prolétaires dans l’achat compulsif d’outils d’un certain coût.
Il s’agit bien d’un choix mûrement réfléchi qui amène à ce segment et à l’exclusion de tous les autres.
Choisir le bas de gamme c’est opter pour un outil qui, c’est une certitude, n’assurera pas sa fonction. A ce niveau de prix, il est impossible ne serait-ce que de financer la conception d’un outil dans les règles de l’art en s’appuyant sur des personnes compétentes (parce que quoiqu’on en dise, la compétence à un prix). Les matériaux dont ces outils sont constitués sont d’une qualité exécrables. La tenue en main est catastrophique et douloureuse, et l’outil peut même se révéler dangereux à la mise en œuvre. Dans ce segment, ce ne sont pas des outils que l’on vous propose, tout au plus des objets en forme d’outil.
Pour illustrer ce point, il me fallait ouvrir une boîte de peinture et mon cœur saignait à l’idée de devoir utiliser un de mes ciseaux à bois. J’ai pris un jeu de cinq « ciseaux à bois » que l’on trouve dans les caisses grillagées en pied de gondole au rayon outillage du Leclerc du coin. Je suis certain que la pochette plastique coûtait plus cher que le métal utilisé pour leur fabrication. Autant dire que même d’apparence ces objets n’avaient rien d’un ciseau: la planche avait la planéité du skate park dans lequel mon fils envoie des sauts en trotinette et le biseau était au tranchant ce que le la luciole est à la lumière du soleil. Et vous savez le pire? Les « ciseaux » se sont TOUS tordus quand j’ai tenté d’ouvrir la boîte de peinture!
Le moyenne gamme reste une option éventuellement envisageable: dans ce segment, l’outil assure sa fonction de façon plus ou moins efficace. Mais les restrictions de coût de production se sont fait au dépend de la fonctionnalité et de l’ergonomie. Un choix économique permettant des gains de matière première imposent la simplification de la butée de profondeur de passe par exemple qui sera délibérément rendue moins fiable. Ou encore pour des raisons de réduction des coûts, l’emploi d’un acier de moindre qualité pour constituer le fer du rabot fera qu’il s’ébréchera plus facilement et tiendra moins l’affûtage.
A l’époque j’ai investi – il s’agit des tous premiers rabots dont je me suis équipé – dans un coffret de la marque Faithfull qui comportait un n°4 et un rabot de paume pour la modique somme de 75€. En réalité, j’aurais mieux fait de jeter cet argent par la fenêtre: le réglage de profondeur de passe du rabot de paume ne tenait pas le réglage. Sur le rabot à replanir, la semelle n’avait rien de plan, le réglage du fer était tout aussi difficile et les éléments du groupe de coupe (le fer et le contre-fer) avaient l’épaisseur d’un papier à cigarette. Sur l’établi? Eh bien la non planéité de la semelle faisait que parfois l’outil prenait du copeau, et parfois non. Et il fallait être gourou vaudou pour être en mesure de prédire quand ce serait le cas. D’ailleurs, quand le tranchant mordait le bois, le fer plantait dans la matière, le groupe de coupe se déformait avec la poussée que j’exerçais sur le rabot, puis la tension était telle qu’un copeau était arraché et le groupe de coupe reprenait sa position initiale pour replanter, se retendre, arracher à nouveau du copeau puis se relâcher… etc… Ainsi la surface dans le sillage du rabot, censée être parfaitement plane et douce en sortie de passe, était en réalité parcourue de vaguelettes et d’arrachements, c’est à dire le contraire de ce pour quoi on emploie un n°4…
En réalité, dans ce segment du moyenne gamme et à fortiori dans le bas de gamme, c’est triste à dire mais que le fabricant produise de la chaussure de sport, de la tisane ou du ciseau à bois, l’outil n’est qu’un prétexte ou le moyen pour l’entreprise de générer du chiffre d’affaire et par extension de la marge pour optimiser les dividendes reversés aux actionnaires, en particulier quand en bout de chaîne on retrouve des fonds de pensions nord-américains qui imposent leur exigence de rentabilité offensante. Les actionnaires n’ont cure de la noblesse et de la qualité de l’outillage mis sur le marché: l’objectif est de maximiser ce qui sera reversé quitte à ce que les coûts induits soient directement supportés par la société ou notre environnement.
Les fabricants d’outils haut de gamme, s’ils ne peuvent s’extraire de la logique économique et compétitive du marché dans lequel ils évoluent, restent, et c’est un constat que je dresse, maîtres du produit qu’ils développent et qu’ils commercialisent. Concrètement? Il est vrai que le prix en sera plus élevé, mais il s’agit du prix juste de l’outil. Le prix de l’outil tel qu’il coûte réellement à être produit et mis sur le marché. Et en terme d’outillage à proprement parler? Eh bien l’outil est robuste et solide, il assure la fonction qu’il est censé assurer (c’est tout de même ce qu’on lui demande, non?) et il l’assure durablement (l’outil ne se dérègle pas pendant sa mise en œuvre). Son ergonomie est parfaitement adaptée à de longues heures de mise en œuvre, là où un outil de gamme inférieure aura déjà généré une ampoule dans le creux de la paume, un trouble musculo-squelettique au niveau de la main, du bras ou de l’épaule. Et ce détail n’est pas des moindres: il faut vous préparer à raboter et à scier parce que ce sont vos mains qui vont faire le travail…!
Ainsi, en matière d’outil et en réalité cette idée est transposables dans de nombreux domaines de la vie, il me semble fondamental de changer de paradigme: ce ne sont pas des outils bas de gamme qui sont des outils sur la base desquels toute progression en gamme se traduirait par une amélioration!
Ce sont bien les outils haut de gamme fonctionnels et ergonomiques qui constituent la véritable base de comparaison: les moyennes gammes et les outils bas de gamme ne sont que des versions détériorées de ces derniers, sacrifiant de façon plus ou moins violente et plus ou moins flagrante l’ergonomie et/ou la fonctionnalité sur l’autel de la compétitivité économique.
Le tragique dans cette histoire réside dans le fait que produire des outils bas de gamme reste rentable puisque nous ne sommes pas éduqué à choisir les bons outils et qu’il nous est à priori très difficile de trier le bon grain de l’ivraie…
Article suivant: la Règle n°2
One reply to “Avec quels outils travailler le bois à la main? (2/6)”
otedanyel
Bonjour ! C’est peu dire que je parcours avec la plus grande attention cette série de billets de blog ! J’ai de multiples idées de projets d’ébénisterie (un meuble à pots pour confitures et autres ingrédients , un support pour tablette, un bureau à plateau escamotable pour ordinateur et vélo pliant…) mais toujours aucun outil digne de ce nom pour les réaliser comme je l’entends – jusqu’à présent, c’était : je scie, je visse/cloue et c’est tout. Dommage que je sois un peu loin de Toulouse pour les sessions de formation !